Pourquoi un juge a condamné Internet Archive pour ses prêts de livres électroniques


La fondation qui voulait remplacer les bibliothèques fermées pendant les premières vagues du Covid a été condamnée par un tribunal américain pour violation du droit d’auteur. Elle a déjà annoncé qu’elle ferait appel.

Internet Archive, connue pour être la mémoire d’Internet en archivant depuis 25 ans les pages Web via sa « waybackmachine », a perdu la première manche dans sa bataille qui l’oppose à quatre grandes maisons d’édition. Un juge américain a en effet estimé, vendredi 25 mars, que l’ONG avait violé les droits d’auteur du groupe en prêtant des copies numérisées de livres, révèle Associated Press. En juin 2020, quatre éditeurs de livres – dont la maison d’édition française Hachette avaient porté plainte contre l’association. Ils estimaient qu’Internet Archive avait violé, pendant la première vague de la pandémie en 2020, le droit d’auteur de leurs livres en diffusant leurs ouvrages sans autorisation.

Durant cette période où les bibliothèques étaient fermées, la fondation avait décidé de mettre en place une « Bibliothèque nationale d’urgence », un service de prêt de livres numériques qui a fonctionné du 24 mars au 16 juin 2020. Avant le Covid-19, le site Web permettait déjà aux utilisateurs de consulter un large choix de livres numérisés pendant un temps limité – une fonctionnalité normalement très réduite, car un ouvrage ne pouvait être consulté que par une seule personne à la fois.

Internet Archive pouvait-elle se prévaloir du« fair use », une exception au droit d’auteur ?

Mais pendant le premier confinement, cette limite a sauté : plusieurs personnes à la fois pouvaient consulter le même livre. Pour les maisons d’édition, il s’agissait ni plus ni moins d’une mise à disposition d’œuvres sans paiement de droit d’auteur, revenant à un piratage à grande échelle. Elles ont donc porté plainte en juin 2020, et le site a mis fin à ce programme quelques semaines plus tard.

Pour justifier ce service de prêt, Internet Archive s’appuyait sur le « fair use » ou l’usage raisonnable, une exception au droit d’auteur prévue par le droit américain qui permet, sous certaines conditions, de diffuser des œuvres protégées sans autorisation. Pour se prévaloir de cet usage raisonnable, il faut remplir plusieurs conditions. L’utilisation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur doit par exemple être bénéfique pour le public. L’impact (financier) sur le détenteur du droit d’auteur ne doit pas non plus être significatif.

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D’autres éléments sont généralement pris en compte, comme les quantités d’œuvres copiées. Mais pour le juge John G. Koeltl du tribunal de première instance du district sud de New York, ces conditions n’étaient pas réunies. Le fair use ne peut donc pas justifier les atteintes au droit d’auteur entrainées par cette « Bibliothèque nationale d’urgence ». « Bien que [l’Internet Archive] ait le droit de prêter des livres imprimés qu’elle a légalement acquis, elle n’a pas le droit de scanner ces livres et de prêter les copies numériques en masse », écrit-il dans sa décision. L’association peut néanmoins continuer à proposer des ouvrages tombés dans le domaine public, précise-t-il.

Des auteurs et les éditeurs satisfaits de la décision

L’association a déjà annoncé qu’elle ferait appel. « La décision rendue aujourd’hui (…) est un coup dur pour toutes les bibliothèques et les communautés que nous servons », écrit Chris Freeland, directeur d’Open Libraries à l’Internet Archive, dans un billet de blog. « Cette décision (…)  freine l’accès à l’information à l’ère numérique, au détriment de tous les lecteurs, où qu’ils se trouvent », ajoute-t-il. Si les juges tranchent aussi en faveur des éditeurs en appel, l’association pourrait avoir à payer de lourds dommages et intérêts dont les montants n’ont pas encore été déterminés.

Côté auteurs et éditeurs, la décision est saluée. L’Authors Guild, une organisation professionnelle d’écrivains, estime que « numériser et prêter des livres sans autorisation ni rémunération n’est pas une utilisation équitable – c’est du vol et cela dévalorise les œuvres des auteurs ». L’Association des éditeurs américains a de son côté déclaré, dans un communiqué, que la décision réaffirmait l’importance de la loi sur le droit d’auteur.

Source : Associated Press



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